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Castelnau-de-Lévis (81150), 14 octobre 2023

Nous étions 12 réunis par les soins de Sylvia et de Jean-Charles, autour d’un apéro, en cette belle après-midi d’octobre. Les profils des participants étaient très variés : professeure documentaliste, entrepreneurs individuels, kinésithérapeute, cadres administratifs, infirmière, retraités...


Les échanges partent sur une question : que s’est-il passé après la longue période « Covid » ? Le monde a-t-il changé ? Comment ?

Le confinement n’a pas été une période si différente de l’avant pandémie, il a pu conduire à apprendre à mieux vivre dans un lieu clôt, à mener une réflexion sur soi-même et à se montrer moins épidermique. Le téléphone s’est avéré être un lien indispensable pour ne pas tomber dans l’isolement et maintenir des liens familiaux et sociaux. Ce fut aussi une période de respiration urbaine. Les personnes les plus affectées par cette période d’enfermement ont de l’avis commun été les jeunes, les adolescents, dont l’angoisse va grandissante : nos jeunes ne vont pas bien. Le retour en présentiel au travail a révélé une sociabilité abîmée, une plus grande difficulté à se parler et à s’intéresser aux autres.

S’il est un changement à noter à la sortie de cette période, ce fut la montée en puissance du télétravail, facteur de désorganisation des entreprises, du travail, notamment en mode « hybride », et de manière déséquilibrée entre un secteur tertiaire où le télétravail est chose évidente, tandis que les autres métiers ne s’y prêtent pas.

Mais il est un peu rapide de tout vouloir expliquer par le Covid. Sur le fond, les intervenants se rejoignent pour dire qu’un virage a été pris bien avant la pandémie. La société a changé et l’avenir s’assombrit, en particulier donc pour une jeunesse jugée désabusée, et qui devra affronter le changement climatique. Ces jeunes ont davantage de mal à se projeter dans ce monde plus chaotique, sont en perte de repères.

Les règles du jeu ont changé, la société s’est fracturée et le sentiment d’appartenance résiste mal aux évolutions de ces règles. Les liens au travail ont subi une plus forte individualisation des projets et un moindre engagement sur le moyen long terme, études incluses. Le rapport hiérarchique est aplani et le « freelance » devient un mode de fonctionnement qui se généralise. L’épanouissement par le travail et le travail tout court ne sont plus des priorités, au profit de la seule consommation. En conséquence, faute de perspective pour nos jeunes, alors que la parole parentale est dévalorisée, tandis que le nouveau d’échange et d’expression est appauvri en corrélation avec la faible syntaxe sur les réseaux sociaux, le lien entre « cerveau » et « manuel » semble pour le moins modifié, voire rompu. La pauvreté du langage, soumis à l’impératif de l’immédiateté, interdit une formulation précise de difficultés rencontrées et une moindre capacité à s’exprimer comme à comprendre.

Toutes ces transformations affectent le collectif et laissent le champ libre à l’évaluation par les seuls indicateurs quantitatifs, parfois absurdes, aux rapports de forces, aux liens de dominations, à un développement de l’égocentrisme, au communautarisme, à des rapports plus violents entre personnes, entre filles et garçons, y compris physiquement. Ces solutions de repli et de dominations peuvent s’expliquer par la hausse des rapports plus violents au sein des familles : la violence tend à se normaliser.

Mais, sur un plan plus psychique, la complexification de l’équation de la vie, où chacune et chacun se doit prendre en compte une multiplicité de paramètres parfois inconciliables pour se frayer un chemin, semble aussi expliquer l’évolution de la société. Le régime des 35 heures paraît, dans ces conditions, obsolète, irréconciliable avec une vie individualisée. Et comme cette complexité favorise de facto les mieux informés, les « insiders », il peut en résulter un certain rejet des élites et

des politiques dont les discours sont peu explicites, aussi vagues que l’équation sociale est complexe.

Peut-on renouer avec le collectif ou faut-il le réinventer ? Les initiatives ne manquent pas, comme introduire dans une classe un animal pour créer un lien affectif. Comment rétablir la notion de respect ? Les parents ne sont pas exempts de tout reproche, à force d’oublier de dire à leurs enfants qu’ils ne sont pas leurs égaux. La parole est devenue un droit de facto qui ne s’accorde plus selon un lien d’autorité parentale. Si le référentiel commun s’efface, comment faire communion, au-delà des finales sportives où l’équipe de France est engagée ?

Le dîner, qui a suivi ces échanges nourris durant trois heures, a laissé percer le sujet de l’identité. Qu’est-ce qu’être français ? Faute de racine ethnique, la France étant au carrefour de moult migrations, l’identité française repose-t-elle sur le projet collectif qui dépasse la seule géographie nationale ? Mais alors, au constat opéré tout l’après-midi, la France est-elle en danger de délitement ?



 
 
 

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