La vie de G, à Orthez
- francoishada
- 16 juin 2024
- 3 min de lecture
Je n'ai jamais su quoi faire dans la vie. J'ai laissé la vie choisir pour moi. Je suis serveuse depuis 1984. Pas par choix. Je venais d'avoir mon CAP coiffeuse dame (pas par choix non plus).
J'ai connu mon futur mari qui tenait un bar PMU en gérance et me suis retrouvée naturellement derrière le bar.
Ça fait donc 32 ans que j'exerce ce métier. J'ai appris à l'apprécier. J'aime le travail bien fait. Mais je l'ai subi pendant 22 ans, parce que je subissais aussi mon mari. Jusqu'à ce que je le quitte.
J'ai alors tout naturellement cherché un emploi de serveuse, vu que c'est tout ce que je sais faire et que je le fais bien. J'ai un bon contact avec les gens. J'aime me définir comme "picologue". J'aime me faire adopter par les plus réfractaires.
Je suis donc passée de conjoint collaboratrice à employée. J'ai commencé à cotiser à 40 ans. Je suis passé de 12 heures / jour 7/7j 365j "au gratos" à 39h/semaine avec 5 semaines de congés payés par an!
Pour être exacte, il me semble que les cotisations obligatoires pour les conjoints ont débuté en 2005. J'ai quitté mon mari en 2006. Et le 06/06/06 je devenais employée!
J'avoue que j'étais un peu perdue au début, de me retrouver avec tout ce temps libre où je n'avais plus qu'à m'occuper de moi-même...
Les heures supplémentaires défiscalisées m'ont permis de gagner un peu plus, la mutuelle d'entreprise obligatoire aussi, même lorsqu'elle n'a qu'un seul employé.
Mon patron était un inapte au bonheur, comme mon ex-mari, mais là, je ne le subissais que 39 heures par semaine et j'étais payée! Jusqu'à ce qu'il prenne sa retraite et que je me retrouve licenciée économique, son repreneur n'ayant plus besoin d'employée.
Au chômage à plus de 45 ans, j'avais donc accès à un emploi aidé. Mais si tous les établissements que j'ai approchés étaient intéressés par mon expérience, finalement ils prenaient de "petites jeunes" qui ne savaient souvent même pas faire un café...
Le chômage est destructeur pour l'estime de soi: même en sachant ce qu'on vaut, les refus nous poussent à douter...
Un changement s'est produit à l'arrivée de Nicolas Sarkozy au ministère de l'intérieur : la multiplication des contrôles d'alcoolémie. Il n'y avait plus de bon dieu pour les ivrognes! Et les chiffres d'affaires tombait en chute libre. Les contrôles des Urssaf ont considérablement réduit le travail au noir aussi.
Aujourd'hui, il n'est plus possible de trouver un bar "pur": il faut multiplier les activités (bar loto ou brasserie ou tabac) pour rester rentable.
Ensuite, la création du RSI a fait un mal fou .... et continue de le faire, d'ailleurs. De nos jours, mieux vaut être employé que patron (quand on parle de bons patrons j'entends !).
J'ai la chance d'exercer un métier où les pourboires sont pratiqués (dans la coiffure aussi), ce qui permet d'arrondir les fins de mois .
Je me souviens, au début des années 80, "ils" avaient essayé d'abolir cette pratique, tout au moins de nous obliger à les déclarer.
J'arrive à m'en sortir parce que mes frères et soeurs m'ont donné la maison. Avec 1 000 € de paye, je n'ai pas les moyens de me payer un loyer ni l'essence.
Je me suis rendue compte au fil des années et des collègues successifs, que la conscience professionnelle est une denrée rare. Des fois j'en ai plus que mes patrons ! Mais ça, ça ne s'apprend pas à l'école.

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