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Paroles de flic

Dernière mise à jour : 16 mars

Pourquoi la police se sent-elle si mal perçue par la population française? Tous disent que la police a une mission fondamentale de service public. Pourtant... Qu'est-ce que ce métier si particulier que celui des forces de police?


Quatre policiers ou anciens policiers racontent

Chaque corps de métier tend à se forger sa vision propre de la société. Un officier de police constamment au contact avec une population spécifique peut finir par oublier de prendre le recul nécessaire, au risque d'adopter une vision déformée de la société. Si une part importante de ces personnes est maghrébine ou jeune, cela ne signifie bien entendu pas que tous les jeunes ou tous les maghrébins sont des délinquants... Mais à force de se confronter chaque jour à une réalité identique et biaisée, le risque est grand d'endosser un rôle erroné, comme vouloir protéger une société dont on a une image biaisée, loin de la notion de service public. Or justement, en écoles de police, la notion de service public n'est jamais enseignée, indiquent nos témoins. Pourtant, on parle bien de "Police Secours", de "police de proximité" indique O...


Et les relations avec le "public" sont ambivalentes, elles ont changé... Pour C, "Jadis, le flic était craint." L'anecdote d'une prof qui accueille une officier de police venue faire de la prévention d'un "je vous serre la main et c'est la première fois de ma vie que je serre la main d'un policier" en dit long sur un état d'esprit, selon C... surtout chez certains enseignants?


En réalité, le public ne connaît que trop mal le métier de policier et ses exigences. On peut être choqué par les interventions musclées des forces de police, lorsqu'elles interpellent par exemple une personne dans la rue. Pourtant, C rappelle une anecdote: un SDF venait de commettre une agression. Plaqué au sol, il est maîtrisé. Deux passantes trouvent la manière trop brutale. L'interpellé est laissé non menotté... il subtilise alors un revolver et tire sur l'un des agents. L'exigence de sécurité, dans un métier où l'agent est fréquemment exposé à la violence et au risque de violence, impose de prendre toutes les précautions, voire parfois un peu au-delà: "mieux vaut être jugé par 12 que porté par 6" dit l’adage.


Un policier est constamment exposé à des situations de violence, d'intensité variable, mais dont la plus violente le marquera toujours plus. Ces événements peuvent-ils avoir un impact sur sa propre vision des choses et sur son comportement? La fille de J. sortait avec des amis de la fête de l'Huma... plus de transport. Elle demande à un agent de police un conseil, celui-ci la "jette" au motif qu'elle vient de la fête de l'Huma. Vision biaisée de ces jeunes qui sortent de la fête de l'Huma? Effet d'une fatigue accumulée ou exposition à des faits qui lui ont fait oublier sa mission de service public?


Quelques jours plus tard, de sortie avec ses parents, tous deux policiers, elle retient son père qui voulait demander quelque chose à un policier en faction, au motif que ces policiers vont certainement le jeter, oubliant que ses parents sont eux-mêmes policiers... 

Les relations aux forces de l'ordre sont ambivalentes, mêlant confiance et défiance. 


A la vision biaisée du policier s'ajoute une vision biaisée du public sur la police... Une personne agressée dans la rue, voit son agresseur rapidement plaqué au sol, menotté, par une patrouille qui passait; sans doute soulagée de ce secours, elle trouve néanmoins la manière policière trop brutale... Cette ambivalence vient-elle de ce qu'elle-même n'est pas du tout habituée à cette violence ?


Cette patrouille aura peut-être aussi fait du zèle, précise J, "parce que ce "flag" était trop beau"... est-ce à dire que la politique du chiffre, mais aussi la culture des "belles affaires" font parfois confondre à certains policiers leur mission de service public avec de l'affaire pour l'affaire?


Il n'empêche, les policiers sont soumis pendant toute leur carrière et sans grand répit à de nombreux impacts violents, dont ils ne sortent pas "forcément" indemnes... Ainsi, raconte J, "ce binôme de policiers qui prend en chasse des braqueurs d'une banque sortis avec un otage, avec qui des coups de feu sont échangés... Sachant que l'un policier en abat un... Ensuite? Mais rien... le lendemain, c'est comme hier. Pas de suivi ou de soutien psychologique..."

Pour O et JF, les suivis psychologiques de policiers n'en sont qu'à leurs débuts et commencent à peine à être mis en place. Il est aussi vrai que la rencontre avec un psychologue est souvent mal vécue par les policiers, et il est aussi vrai que les psychologues ne sont pas toujours suffisamment expérimentés (trop jeunes, ne connaissant pas bien les métiers de police...). Passer de la culture de la "famille" à celle « d'une prise en charge d’une prise d’otages » par des intervenants extérieurs n'est pas immédiat.


La situation sécuritaire s'est-elle durcie en France depuis plusieurs années? Au-delà des attentas terroristes, difficile de l'évaluer précisément via sa propre expérience professionnelle. L'appréciation que chaque agent porte sur la dureté évolue tout au long d'une carrière. C a débuté jeune dans la police, et vivait au début très mal la violence des échanges, lorsqu'elle a commencé en brigade des stup'. La situation s'est peut être dégradée, mais C s'est aussi endurcie.


En revanche, les conditions d'exercice de leur métier ont changé. Si les brigades centrales sont plutôt bien équipées, au nom d'une politique de sécurité affichée, des efforts ont été demandés aux policiers, davantage mobilisés, tandis que la rationalisation budgétaire est passée par là: nombre de commissariats ont été fermés, d'autres sont paupérisés (J fait parfois porter des ramettes de papiers dans les commissariats avec lesquels il travaille maintenant dans son nouveau métier...). La présence policière bien moindre sur terrain, laisse des zones urbaines (centre de petites villes de province) en prise avec la délinquance jadis confinée à la périphérie.

C’est à ce moment que les manifestations et émeutes montent en puissance. Gilets jaunes, Notre dame des Landes, black block, embrasement de quelques banlieue, soulèvements de la terre, que des effectifs policier insuffisants et fatigués, doivent contenir. L’auteur de ce billet se demande si le fait d’avoir martelé que le pouvoir central politique n’avait pas à dialoguer avec les corps intermédiaires n’ a pas créé cette situation: en ignorant ces corps intermédiaires, le pouvoir est prise directe avec « la rue». Dans ce contexte, l’ordre n’est plus séparé du chaos que del’épaisseur d’un bouclier, 2 cm…


Aujourd'hui, l’envie de quitter le ministère de l'intérieur traverse la police... mais pas simple de quitter une famille à laquelle on est fier d'appartenir.


 
 
 

2 Comments

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Sylvain Metlin
Sylvain Metlin
Jun 28, 2024

Bonjour, désolé mais la police n'est pas mal perçue par la population française. Cette affirmation est le résultat du prisme déformant qui conduit à percevoir la France à travers une petite minorité agissante de la population dans les métropoles. Les Français aiment et respectent globalement leur police républicaine. Bien cordialement. S. Metlin

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François Hada
François Hada
Jul 23, 2024
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Bonjour

Merci de ce commentaire. Ces mots sont de policiers et ne représentent qu’eux-mêmes, bien entendu. Eux, se sentent mal-aimés.. Il y a une boucle entre eux et le public à etudier.

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